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La Psychologie en Algérie

Nomadisme linguistique

14 Août 2019 , Rédigé par Haddar Yazid

Encore une fois, des débats qui font noyer le poisson ! l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique lance, depuis jeudi, un sondage en ligne pour prendre l’avis de la communauté universitaire et des Algériens sur le renforcement de la langue anglaise à l’université. Une ruse, une polémique pour tourner en rond !

C’est interminable ces questionnements et ces sorties baroques pour alimenter la discorde linguistique ! Est-ce le moment d’en parler et d’en débattre ? Au moment où, sur le plan politique, l’Algérie est dans une impasse et qu’elle recherche une sortie de la crise. Cependant, et étonnamment, des débats à foison, qui sortent de je ne sais où, qui alimentent des polémiques, que nous savons d’avance leurs issues.

En effet, cette dualisation de la pensée (civilisation berbère/ arabe ; arabe/français ; religion/non-religion, nationaliste/non-nationaliste…,) étaient depuis l’indépendance (voire même avant) les éléments moteurs pour détourner l’attention sur «les questionnements fondamentaux», c’est-à-dire le projet de la société, les mutations politiques et de gouvernance. Nous ne sommes pas les seuls à être confrontés à cette nouvelle manigance, d’autres pays l’ont déjà vécue et surtout nos voisins marocains et tunisiens !

Certes, l’anglais est la langue la plus utilisée dans le domaine de la recherche, néanmoins le monde de la recherche est adressé, généralement, qu’aux chercheurs et non pas au praticien lambda ! Les psychologues, les médecins (toutes spécialités confondues), les sociologues, les historiens, les administrateurs, les ingénieurs, les walis, les boulangers, etc. ne sont pas tous des chercheurs.

 

Selon ce raisonnement, nous allons reproduire les mêmes escobarderies que la généralisation de la langue arabe, c’est-à-dire une idéologisation de la langue pour des raisons politiques et religieuses et non pas pour une construction réfléchie et pragmatique d’une élite et des professionnels qui peuvent s’adapter aux mutations sociales et à la modernité en respectant l’émanation anthropologique qui les constitue et non pas faire fi de l’ensemble de leur histoire personnelle et sociale. Le professeur Dourari, docteur des sciences de langues et de traduction, interroge l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur sur la faisabilité de son projet.

Ainsi, il dit : «Il (le ministre de l’Enseignement supérieur)doit nous dire combien de professeurs en rangs professoral et magistral peut-il réunir par discipline ? De combien d’enseignants du rang professoral et magistral dispose-t-il dans les disciplines des sciences sociales et humaines ? Et combien de publications en langue anglaise et en langue française d’un niveau international apparaissent annuellement en Algérie ?» s’interroge le professeur.

De son côté, notre confrère Kamel Daoud s’interroge sur la légitimité de l’actuel ministre pour exposer ce genre de débat. «Un ministre intérimaire, écrit-il, membre de ce gouvernement de la honte, se permet, dans le cadre de ses agitations payées, de lancer le projet, faramineux et populiste, de généraliser l’anglais dans les universités algériennes». Pour lui, «l’arabisation a été une dé-francisation populiste et a fini par décapiter les élites du pays au lieu d’enrichir notre patrimoine de langues.

On a abouti à des générations qui ne maîtrisent ni le français ni l’arabe et à qui on annonce l’anglais comme un rattrapage pour rattraper le monde qui va trop vite». En effet, la question linguistique, comme celle de la religion et de l’identité, est minée par des débats qui risquent de nous faire plus éloigner de notre objectif, c’est-à-dire une nouvelle République démocratique et populaire. Il me semble que l’erreur n’est pas de proposer de nouveaux projets, mais d’y réfléchir avant de les mettre sur la table du débat.

Il est important de sortir de cette dualité qui nous tire vers le bas, car nous devrions trouver un nouveau raisonnement qui nous permettra de couper ces scénarios répétitifs cycliques et mener une nouvelle philosophie qui pourra nous permettre de réfléchir notre citoyenneté et de participer à son enrichissement. 

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