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La Psychologie en Algérie

Ordre public ou ordre religieux ?

6 Mai 2020 , Rédigé par Haddar Yazid

La scène n’est pas confirmée  mais, vu  le  contexte  national, elle  reste vraisemblable. A  la  femme  qui lui  rappelait  que,  par  sa  Constitution, l’Algérie est “une République démocratique et populaire” et  qu’elle était donc libre de se mettre en maillot de bain sur la plage, l’agent de l’ordre oppose “el qanoun taâ rabbi”, la loi de Dieu.

L’argument de cette intervention policière contre une femme en maillot de bain   sur  une  plage  est  que  sa  tenue  pouvait  agresser  les  sens des hommes présents. La question ne réside  cependant pas  dans  le  bien-fondé doctrinal ou non de la fetwa ; elle est dans le fait que l’ordre religieux vienne, d’autorité, appuyer l’ordre public, en réformer les règles et, parfois, s’y substituer. Et cela sans que l’ordre en place n’assume son statut d’ordre théocratique.

Car, si  la  Constitution  algérienne  proclame  l’islam religion  d’Etat, elle revendique en premier son caractère républicain et n’endosse nulle part l’autorité effective de la charia. En théorie, ce qui n’est pas interdit par la loi devrait être donc permis. Or, en pratique, on assiste à une grande liberté d’interprétation juridique, quand il s’agit d’établir le délit d’atteinte à la religion. 

L’article 144 bis 2, initialement  dédié  à la répression les délits de presse envers la religion, punit de trois à cinq ans de prison toute personne qui “dénigre le dogme ou les préceptes de l’islam que ce soit par voie d’écrit, de dessin, de déclaration ou tout autre moyen”. Ce “tout autre moyen” laisse la porte ouverte à toutes les présomptions et le, “moyen” définissant le crime, le port d’un maillot de bain sur la plage en temps de jeûne peut constituer une offense au ramadhan et, partant, à la religion ?!

Il n’y a pas qu’en matière de répression religieuse  que  le  problème se pose. On l’a vu avec la répression des manifestants et activistes du hirak : quand il n’y a plus de limite formellement tracée à l’interprétation de l’homme de loi, l’abus menace la loi. Surtout quand cet abus va dans le sens de la politique de répression en vigueur… il peut faire vite jurisprudence.

Le pouvoir a,  d’ailleurs, dû  légiférer à nouveau pour donner un minimum d’assise légale à une démarche d’étouffement physique d’un mouvement politique. Il en a aussi profité pour créer un article voué à la protection des imams contre la diffamation alors même qu’il existe un article, le 144 bis, punissant…la diffamation.

A l’évidence, il y a là un message politique à l’endroit des activistes islamistes exclus de l’animation nationale suscitée par l’épidémie au profit des gens de science. Ce qu’il y a de  dangereux dans  l’empressement  politique  autour de  tout  ce  qui  se prévaut  de  la  légitimité  religieuse,  c’est  que  cette  prévenance  prétend désamorcer le potentiel de nuisance du mouvement islamiste. 

Ce  faisant, on encourage  l’intégrisme à cultiver, dans  l’apparence comme dans les faits, cette tendance à user de la peur et de l’intimidation contre les citoyens qui ne se soumettent au diktat  islamiste. Et  les  institutions étant, en matière  humaine,  un  prolongement de  la  société, la  traque  se  poursuit jusque dans ces institutions. Celui qui  est  converti  à  l’ordre  islamiste  est automatiquement converti, là où il se trouve, à la fonction de vigile islamiste.

 

M. H.
musthammouche@yahoo.fr

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