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La Psychologie en Algérie

État de droit ou État de devoirs sans droits ?

23 Août 2008 , Rédigé par Haddar Yazid Publié dans #POLITIQUE

« Il faut avoir encore du chaos en soi pour enfanter une étoile dansante.»

Nietzsche, in « Ainsi parlait Zarathoustra »

 

Là où nos gouverneurs en sont arrivés, quel paradoxe ! Il y a deux mois, le ministre de l’intérieur Yazid Zarhouni s’interrogeait sur le rôle des associations en les accusant d’immobilisme face à la violence des jeunes dans nos villes. Aujourd’hui, des enseignants sont en grève de la faim depuis plus d’un mois, et le gouvernement les ignore complètement. Pas de dialogue ! Le Ministre et l’ensemble du Ministère sont-ils en vacances ? Pendant combien de temps encore les Algériens seront-ils ainsi malmenés et jusqu’à quel point ? Dans quel État vivons-nous ? Un État de droit ou un État de soumission ? Dans son dernier discours, le Président Bouteflika se plaignait du manque d’encadrement, mais voyez comment l’État traite ses cadres : face à un maigre salaire et une non-reconnaissance des compétences, parfois une mise à l’écart, ils quittent le territoire dès que l’occasion se présente. Louons le courage et la patience de ceux qui résistent quotidiennement depuis des années ! Protester pacifiquement à la manière de ces enseignants, c’est être ignoré ! Protester violemment à la manière de ces jeunes, c’est être blâmé ! A nous, Algériens, de choisir !

 

Les syndicats autonomes viennent de donner un bel exemple d’espérance démocratique. Ils viennent de nous montrer que tout est possible en Algérie, qu’il reste une force vive, que la révolution n’est plus similaire à celle d’antan : ne pas faire couler du sang pour la liberté, mais épargner les familles qui sont de plus en plus désabusées et désorientées par le pouvoir politique. J’inscris ces mouvements de protestations dans un processus de maturité de notre peuple et de nos forces vives qui rappellent à nos gouverneurs que nous sommes toujours dans une république et que nous avons un droit fondamental, celui de réclamer nos droits !

 

Des protestations qui se répandent aux quatre coins du pays démontrent que les Algériens ne sont plus dupes de ces réalisations inachevées, de ces discours creux et de ce nationalisme vieillot. C’est toute la population qui se réveille pour exprimer son mécontentement face à la gestion du pays, la stagnation politique, la corruption, le refus de distribuer les richesses et la défaillance du système éducatif. Le chômage étouffe nos villages et nos villes. La jeunesse de notre pays est perçue par les décideurs comme une entrave alors qu’elle devrait être, comme ailleurs, signe de richesse et de bonne santé économique du pays. Le taux de suicide des jeunes est alarmant (de 114 victimes en 2005, on est passé à 169 en 2006 et à 177 en 2007[1]). Certains vont même jusqu’à se mutiler devant les mairies (APC) pour exprimer leur malaise. Il s’agit là d’appels de détresse et de l’expression du désir de vivre comme tous les jeunes du monde. Ces revendications montrent que notre société en mutation revendique un changement réel nécessitant un changement des mentalités de la part de ceux qui gèrent le pays. Ces derniers ne cessent de nous rabâcher le même projet de société, les mêmes analyses, les mêmes leçons de morale. Certains politiques sont tellement imbus de leur personne qu’ils considèrent toute critique pour une insulte personnelle. Ces mêmes individus, lorsqu’ils occupent des postes clé au sein de l’État, se comportent comme des pachas « Ya si ! ». Certains de nos politiques ont toujours pensé le monde à partir de secteurs immuables : l’Etat, la famille, l’identité. Si l’on veut penser le monde moderne, il faut le faire en termes de flux : flux de marchandises et flux d’idées, lesquels ont pour effet d’accélérer le bouleversement des divers secteurs.

 

Une société ne peut devenir autonome et capable d’elle-même que si elle est organisée rationnellement par un État fort et stable. La politique est aussi une affaire de communication. C’est lorsque, grâce à cette communication, « le courant passe » entre ses membres que la société se forme, et non pas simplement lorsque des techniciens habiles la dirigent. Car c’est par la communication autour de grandes idées que la foule se transforme en public et que du courant se met à passer en elle.

 

La gestion actuelle des médias lourds prouve l’usure et le conservatisme de la mentalité de certains de nos politiques. Depuis les derniers événements (grèves de la faim, protestations, etc.), aucune information n’a été diffusée par la télévision algérienne et les radios nationales alors que ces sujets ont fait la une dans toute la presse privée. Désormais, dès qu’un événement secoue le pays, les Algériens ont le réflex de se tourner vers les chaînes étrangères. Pourtant, nous contribuons, de par le paiement de l’impôt, au fonctionnement de la télévision nationale. Nous sommes ainsi en droit d’exiger des chaînes algériennes qu’elles nous informent régulièrement sur ce qui nous concerne. C’est un droit et non une faveur ! Chacun sait que, dans un pays, les médias constituent une source privilégiée de l’information. Mais ils permettent également de refléter l’image de la société. Ce n’est malheureusement pas le cas chez nous. Bien au contraire ! Au lieu d’être les garants de la confiance du peuple envers son gouvernement, les médias lourds sont des machines de propagande idéologique et politique. Cette lenteur abusive et caractéristique de la gestion de l’information en Algérie empêche les citoyens de se reconnaître dans la télévision algérienne (utilisation de la langue de bois, notamment par l’usage de l’arabe classique, comme si les Algériens n’étaient pas fiers de leur dialecte, contrairement aux Egyptiens par exemple).

 

Cette méfiance entre administrés et décideurs créée un abime entre eux. Ce fossé s’exprime d’une part, par le fait que les politiques s’éloignent des préoccupations quotidiennes du peuples en se lançant dans des projets irréalisables où la population est peu ou pas impliquée et d’autre part, par le fait que le peuple ne fait plus confiance en tout ce qui vient d’en-haut ! Il faut du temps, mais aussi des hommes et des femmes de bonne volonté pour rétablir un lien de confiance et de fidélité. Dans cette perspective, l’ouverture médiatique est urgente pour empêcher les détenteurs de l’information et les dogmatismes religieux de manipuler les esprits désorientés et de nourrir de faux espoirs chez les gens désespérés. Il est de notre droit d’avoir des médias fidèles à l’image de notre réalité sociale, libres de critiquer nos institutions, nos gestionnaires et nos politiques dans le but d’améliorer, de renforcer et de stabiliser les institutions étatiques, tout en inculquant les valeurs démocratiques, républicaines et citoyennes.

Yazid Haddar.

[1] Cf. El-Watan 26/03/08)

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